lecowboy a écrit: SuzyQueen a écrit: C'est un livre sur un autre processus d'élection venant de l'ancienne Athènes.
Elections, pièges à...oh, pardon.
L'auteur décrit d'abord les symptômes du malade « démocratie ». De moins en moins de gens pour aller voter et pour adhérer aux partis politiques, des électeurs de plus en plus inconstants. Et les gouvernements de moins en moins efficaces, ligotés par des législations extérieures, des agences de notation américaines, des multinationales, des traités internationaux.
Puis vient le diagnostic. Est-ce la faute aux politiciens (donc, montée des populismes), la faute de la démocratie elle-même (donc, tentations technocrates), la faute à la démocratie représentative (et non directe avec d'intéressants développements sur d'anciennes tentatives de « redynamiser » la démocratie), ou bien, nouvelle approche, est-ce la faute au passage obligé par des élections comme mode de désignation des représentants du peuple.
L'histoire des élections est passionnante. Non, elles n'ont pas été mises en place dans un but démocratique, au contraire. Elles permettaient d'éloigner le petit peuple de la gestion de l'Etat. Et elles sont un modèle aristocratique par nature, puisqu'il est censé écrémer les « meilleurs », c'est-à-dire les mieux lotis en pratique.
La phrase de Marat est à cet égard très limpide : « Qu'aurons-nous gagné si nous exterminons l'aristocratie des nobles pour la remplacer ensuite par une aristocratie des riches ? »
Mais alors, comment se fait-il qu'un outil anti-démocratique comme les élections finisse par devenir le symbole même de la « démocratie » ? Cela passe par Tocqueville (pourtant critique lui aussi) et, étrangement, par le rejet populaire du système de tirage au sort (qui faisait trop penser au système honni de recrutement des conscrits pour le service militaire (avec les riches qui payaient pour faire effectuer leur service par un remplaçant).
Donc, le tirage au sort, cœur de la démocratie athénienne (et de biens d'autres ensuite) ne trouvait plus de défenseurs, même dans la classe ouvrière organisée qui a axé sa lutte sur le suffrage universel. Qui n'était pas trop universel au départ : dans la Belgique de 1830 par exemple, seules les plus grosses fortunes pouvaient ambitionner un siège au sénat : dans tout le pays, il n'y avait que 400 personnes éligibles à cette haute assemblée... Et à la Chambre (200 membres) siégeaient 45 nobles, 38 membres du barreau, 21 de la magistrature et 13 du clergé. Il faut dire que le droit de vote lui-même était à l'époque limité à 46 000 hommes (moins de 1% de la population) payant assez d'impôts (mais on acceptait aussi les universitaires, les membres des professions libérales, les prêtres).
Après le constat navrant sur nos « démocraties » d'aujourd'hui, vient un plaidoyer pour faire revivre la désignation par le sort. Et beaucoup d'exemples, beaucoup de propositions diverses mêlant tirage au sort et élections, beaucoup d'analyses fines des systèmes proposés.
Arrêtons-nous au plus grand reproche fait au tirage au sort : l'incompétence supposée de personnes non élues. Ce reproche vient du fait que s'est installé dans les esprits une pensée hiérarchique. Pourtant, il faut prendre conscience du fait que les raisons invoquées aujourd'hui contre les citoyens tirés au sort sont souvent identiques à celles avancées autrefois contre le droit de vote pour les agriculteurs, les ouvriers ou les femmes. D'autre part, les élus ne sont pas spécialistes de tout, loin de là, et ils ont donc des assistants, des chercheurs et des bureaux d'études à leur disposition. Une assemblée de tirés au sort peut inviter des spécialistes. De plus, elle se verrait accorder un certain temps pour se familiariser avec son travail et une administration pour se documenter. Les « tirés au sort » ne doivent pas faire de campagne électorale, ce qui leur laisse beaucoup plus de temps pour le travail.
Pour en revenir aux jurys d'assises, on y constate que, très généralement, les gens y prennent leur tâche très au sérieux.
Et pourquoi acceptons-nous que des lobbys, des groupes de réflexion et toutes sortes de groupes d'intérêts (non élus!) exercent une influence sur la politique ?
Enfin, une chambre composée de citoyens tirés au sort ne serait pas la seule : le modèle électif et le modèle aléatoire fonctionneraient ensemble.
Peut-être qu'au bout d'un certain temps, ce système double devra laisser la place à un système complet de tirage au sort : en définitive, la démocratie n'est jamais achevée.
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