Le pape François dans le collimateur de la criminalité organisée? Ses condamnations de la corruption et son opération transparence à la banque du Vatican rendent la mafia nerveuse, a assuré un procureur italien, mais le Vatican se veut rassurant.
Le quotidien Il Fatto Quotidiano a lancé l'alarme cette semaine, en citant l'un des meilleurs spécialistes de la mafia calabraise, le procureur adjoint de Reggio de Calabre, Nicola Gratteri: «Nettoyage au Vatican. La 'Ndrangheta est nerveuse. Péril pour le pape», a titré le journal, résumant les propos de ce juge.
Alors que la nouvelle enflait dans les médias italiens, le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, a réagi en affirmant que le Vatican était «extrêmement tranquille».
«Il n'y a aucun motif de préoccupation et il ne faut pas alimenter l'alarmisme», a-t-il insisté.
Nicola Gratteri, qui a une solide réputation d'enquêteur, est l'auteur d'un livre sur les rapports entre mafia et Vatican, «Acqua Santissima».
«Ceux qui jusqu'alors se sont nourris du pouvoir et de la richesse qui venaient directement de l'Église, sont nerveux, agités. Le pape Bergoglio est en train de démanteler des centres de pouvoir économique du Vatican. Si les chefs mafieux pouvaient lui faire un croche-patte, ils n'hésiteraient pas», affirme le procureur Gratteri.
À ce stade, nul ne sait s'il s'agit de la simple déduction logique d'un procureur sur l'hostilité supposée des mafieux à l'égard d'un pape qui condamne leurs trafics à haute voix. Ou si Nicola Grattieri dispose d'éléments sur des risques réels.
François ne cesse de dénoncer les trafics, la malhonnêteté, la prostitution, le trafic de drogue. Comme Jean Paul II jadis, il a demandé en mai aux mafieux de «se convertir». Il a aussi tancé certains prélats qui ont de mauvaises fréquentations.
Au Vatican même, le pape jésuite a nommé depuis juin plusieurs commissions chargées de proposer des réformes de l'Institut des oeuvres de religion (IOR,la banque du pape) et de l'Administration du patrimoine du Saint-Siège (APSA).
L'agence américaine de consultants Promontory a été chargée d'éplucher les 19 000 comptes de l'IOR et les dossiers de l'APSA.
Un prélat de cette administration, Mgr Nunzio Scarano, en possession d'une grande fortune suspecte, a été arrêté fin juin.
Lundi, dans sa messe du matin, le pape avait fustigé les «pots-de-vin», «une habitude (...) fortement pécheresse», et la «double vie» de certains «bienfaiteurs» de l'Église: ceux qui «mettent la main à la poche et donnent à l'Église. Mais avec l'autre main, ils volent: l'État, les pauvres».
Cette critique semblait viser une certaine classe mafieuse qui, du Mexique à l'Italie, fait des dons à l'Eglise, va à la messe, se présente comme bienfaitrice, entraînant certains hommes d'Eglise, à leur insu ou non, dans les affaires malhonnêtes.
Dans l'énorme patrimoine immobilier du Vatican, des ventes à prix au dessous du marché --d'un hôtel ou d'un restaurant-- à des personnes en lien avec la mafia ont éveillé dans le passé la suspicion des enquêteurs.
Alors qu'une majorité d'évêques et de prêtres du sud de l'Italie ont adopté ces dernières années une attitude plus combattive avec elle, la 'Ndrangheta calabraise ne peut qu'être gênée par François. Elle est considérée aujourd'hui comme la mafia la plus puissante, dépassant Cosa Nostra ou la Camorra en efficacité, et gérant le trafic de la cocaïne en provenance d'Amérique du Sud.
Le pape, qui privilégie les contacts directs, a décidé de circuler partout dans des voitures ouvertes, un risque pour sa sécurité. Mais dans son voyage de retour du Brésil, François avait déclaré qu'il préférait le «risque» de l'attaque d'un fou dans la foule à la «folie» d'être isolé des fidèles par un vitrage blindé.
http://www.lapresse.ca/international/europe/201311/15/01-4710961-le-pape-dans-le-collimateur-de-la-mafia.php