Le point sur l'arrestation - Isabelle Richer et Alain Gravel
L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a procédé à l'arrestation de l'ancien maire de Laval Gilles Vaillancourt et de l'entrepreneur Tony Accurso ce matin au cours de l'opération « Honorer ».
L'ancien maire de Laval Gilles Vaillancourt arrive au quartier général de la SQ à Montréal.
L'ex-maire Vaillancourt a été arrêté à 6 h 40 à son appartement de l'île Paton avant d'être emmené au quartier général de la Sûreté du Québec (SQ) très tôt en matinée. Il est présentement interrogé par les policiers.
Quant à Tony Accurso, il est également interrogé au quartier général de la SQ de la rue Parthenais à Montréal. M. Accurso avait également été arrêté dans le cadre de l'opération Gravier et par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans d'autres dossiers.
Outre le maire Vaillancourt et M. Accurso, les policiers ont procédé à une trentaine d'arrestations concernant des allégations de corruption et de collusion. MM. Vaillancourt et Accurso, de même que les autres personnes arrêtées, comparaîtront au palais de justice au cours de la journée. Ils pourraient être accusés de gangstérisme.
Tony Accurso (archives) Photo : PC/Paul Chiasson
La commission Charbonneau évitait depuis le début de ses audiences de parler de tout ce qui touche Laval. Elle voulait ainsi éviter de nuire au processus judiciaire.
Le commissaire à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière, tiendra une conférence de presse à 10 h, que nous diffuserons en direct.
Ces arrestations surviennent par ailleurs quelques jours après que le directeur général de Laval, Gaétan Turbide, et son directeur général adjoint responsable des services aux citoyens, Jean Roberge, eurent été suspendus de leurs fonctions pour une durée indéterminée, avec salaire.
Les deux hommes appelés à comparaître à la commission Charbonneau ont eux-mêmes déclaré au nouveau maire Alexandre Duplessis qu'ils seraient inaptes à reprendre leur travail après leur témoignage.
On ignore ce qui est reproché exactement aux deux fonctionnaires, mais le texte du communiqué envoyé la semaine dernière par la Ville précise qu'ils pourraient dévoiler « certains faits » à la commission Charbonneau.
Démission de Gilles Vaillancourt
Gilles Vaillancourt avait quitté son poste et s'était retiré définitivement de la vie politique en novembre dernier, sur fond d'allégations de collusion et de corruption, après 39 ans au conseil municipal, dont 23 comme maire.
Le maire de la troisième ville du Québec n'avait pas dit explicitement les raisons qui l'avaient poussé à agir de la sorte, mais il avait clairement laissé entendre que les perquisitions dont il avait été l'objet ont joué un rôle dans sa décision.
Car celui qui régnait en maître sur Laval depuis 1989 était soumis à une forte pression depuis que l'hôtel de ville et sa résidence personnelle ont été visités par les policiers de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) et de l'escouade Marteau de la Sûreté du Québec (SQ), le 4 octobre 2012, ainsi que le lendemain.
Vingt jours plus tard, l'UPAC avait mené une troisième série de perquisitions en vidant les coffrets de sûreté dans les banques de M. Vaillancourt. Ces visites étaient liées à une vaste enquête sur l'attribution de contrats par la municipalité et de possibles faits de corruption.
Quelques heures plus tard, Gilles Vaillancourt annonçait qu'il prenait une « courte période de repos », sur recommandation de son médecin. Il n'a plus été vu en public jusqu'à l'annonce de sa démission.
Alexandre Duplessis a ensuite été élu maire par intérim jusqu'aux prochaines élections, le 3 novembre, en promettant davantage de transparence à l'hôtel de ville. Issus du parti PRO des Lavallois de Gilles Vaillancourt, tous les conseillers siègent d'ailleurs désormais comme indépendants, la formation ayant décidé de se saborder.
Laval au cœur des allégations de corruption
La Ville de Laval figure parmi les municipalités québécoises qui ont souvent été éclaboussées, au cours des dernières années, par des révélations consécutives à des enquêtes journalistiques.
Dès 2009, François Beaudry, un ancien conseiller du sous-ministre du ministre des Transports, avait affirmé à Radio-Canada qu'il avait été témoin d'un stratagème de collusion à Laval en 2003. À l'époque, M. Beaudry avait porté plainte à la SQ, qui avait ouvert une enquête qui s'était cependant terminée sans résultats.
En novembre 2010, Radio-Canada apprenait après plus d'un an d'enquête, que le maire Vaillancourt aurait offert illégalement 10 000 $ comptant au candidat péquiste Serge Ménard, en 1993. L'enquête de l'UPAC aurait été déclenchée à la suite de ces révélations.
La société d'État avait aussi appris en août 2012 que Gilles Vaillancourt aurait donné 10 000 $ comptant à un ex-collecteur de fonds du Parti québécois, Claude Vallée, durant la campagne électorale provinciale de 1994. Cette présumée affaire de financement illégal avait été dénoncée à l'escouade Marteau de la Sûreté du Québec.
Le 15 octobre 2012, l'ex-propriétaire d'Infrabec Lino Zambito a affirmé devant la commission Charbonneau que M. Vaillancourt touchait une ristourne de 2,5 % de la valeur des contrats accordés à Laval.
Le maire Vaillancourt a toujours nié ces allégations. Il avait sommé ses détracteurs de se rétracter en déposant une mise en demeure, mais il l'avait ensuite retirée.
Perquisitions en série à Laval
En plus de l'hôtel de ville et de la résidence de Gilles Vaillancourt, de nombreuses perquisitions ont eu lieu au cours de la dernière année à l'île Jésus.
Le 11 octobre 2012, cinq entreprises du secteur de la construction active à Laval - Poly Excavation, Louisbourg Construction, J. Dufresne Asphalte, Nepcon et Construction Mergad - ont été visées par des perquisitions de l'UPAC, auxquelles ont également participé des enquêteurs du Bureau de la concurrence du Canada.
Quelques jours plus tard, trois autres entreprises - Construction Giuliani de Laval, Asphalte Desjardins de Terrebonne et Construction DJL de Boucherville - ont été perquisitionnées par l'UPAC et le Bureau de la concurrence. Cette opération était liée à celle menée le 11 octobre.
Le 5 novembre, ce sont les bureaux de cinq firmes de génie-conseil, dont Aecom, Dessau, Genivar et Cima, qui ont été visés par l'UPAC, dans le cadre d'une enquête sur l'attribution de contrats municipaux à Laval.
Face à cette série de perquisitions, l'administration de la Ville de Laval a décidé le même jour de surseoir à tout nouvel octroi de contrat de réfection de chaussée, d'égout et d'aqueduc. La Ville dit avoir agi de la sorte « dans la foulée du dépôt du projet de loi 1 du gouvernement provincial » sur l'intégrité.
Un ex-huissier de Laval, Jean-Yves Lortie, a par ailleurs affirmé à Radio-Canada qu'il avait déjà remis deux pots-de-vin de 15 000 $ en argent comptant au maire Vaillancourt, afin d'obtenir davantage de contrats de la part de la Ville. Le maire a catégoriquement nié ces allégations par voie de communiqué.
http://www.radio-canada.ca/regions/Montreal/2013/05/09/002-gilles-vaillancourt-ex-maire-laval-arrestation.shtml