La panique s'empare du lobby des parasites culturels
http://www.leblogueduql.org/2008/09/la-panique-semp.html
Il faut toutefois lire Patrick Lagacé dans sa dénonciation des «barbares», des «tatas du gros bon sens» que nous sommes. «C'est comme écouter des ivrognes roter. Ça suinte le mépris de l'Autre, de la différence, du petit.» On se rappellera que c'est le même personnage qui souhaitait récemment l'arrivée d'un Führer autoritaire à la tête de l'État pour imposer à nous tous les décisions que lui, le chroniqueur éclairé, considère valables. C'est pas un «mépris de l'Autre, de la différence», ça? Il me semble que ça suinte autrement plus de cochonneries idéologiques nauséabondes que le désir exprimé par beaucoup de gens de ne pas être forcés de payer pour des œuvres et des activités qui ne les intéressent pas ou qu'ils désapprouvent.
Contrairement aux deux autres qui ont des prétentions culturelles, Lagacé admet se ficher de la danse moderne, de la sculpture et du théâtre de Wajdi Mouawad. Pour lui, la principale justification pour les programmes de subventions à la culture, c'est que «c'est dans l'ordre des choses. Tout, dans ce pays, est subventionné.» Bombardier, les premières nations, les usines de coton, les pétrolières, tout le monde reçoit des subventions, on n'a donc aucune raison de chialer uniquement contre les artistes.
Remarquez la profondeur du raisonnement. Lagacé ne dénonce pas le fait que tout soit subventionné dans ce pays, une absurdité économique manifeste quand on sait que les subventions ne créent aucune richesse nouvelle mais ne font que redistribuer des ressources, en gaspillant de surcroît une portion de celles-ci en cours de route dans le processus bureaucratico-politique et en bousillant les mécanismes d'offre et de demande. Lagacé n'a pas d'opinion là-dessus. Non, il dénonce seulement le fait que l'on s'attaque aux artistes. «À peu près tout, au Canada, économie mixte, reçoit une piasse ou deux de l'État (…) Est-ce juste? Est-ce souhaitable? Je ne sais pas. Mais pourquoi c'est le derrière des artistes qui sert de tapis à ce débat?»
Essayons de lui donner quelques réponses. Peut-être est-ce parce que contrairement à la plupart des autres activités subventionnées, qui créent quelque chose pour lequel il y a une demande réelle, une bonne partie de la production culturelle n'intéresse pratiquement personne et ne sert qu'à entretenir de véritables parasites. Toutes ces bananes volantes qui ne décollent d'ailleurs même pas, ces «installations» composées d'amas de détritus, ces symphonies qui nous font entendre des cris et des bruits abrutissants, ces poèmes totalement illisibles qui n'expriment qu'un non-sens postmoderne, ces innombrables romans ou films mettant en scène des drogués et autres paumés qui songent à se suicider, ces téléromans d'une insignifiance sans nom, etc.
J'ai souvent dénoncé les parasites du monde des affaires dans ces pages (un débat dont Lagacé n'a évidemment jamais entendu parler), mais à leur décharge, il faut dire que la plupart d'entre eux continueraient d'exister même sans subvention. Lagacé capote par exemple parce que l'industrie pétrolière paie présumément 17% d'impôt seulement. Mais s'il y avait une logique économique dans la façon dont ce pays est gouverné, les entreprises ne paieraient aucun impôt. Les entreprises ne sont qu'un processus de création de richesse, ce sont les individus qui paient des impôts. C'est donc 17% de trop. Les subventions aux entreprises, malgré leurs nombreux effets pervers, servent au moins à réduire le fardeau fiscal que l'État leur impose.
Au contraire, de nombreux artistes ne produiraient rien du tout si l'État ne leur transférait pas des centaines de millions de dollars pour les faire vivre et créer une demande artificielle pour leurs produits. Il n'y a tout simplement aucune logique économique à leurs activités. Ce sont des parasites purs. Ceux qui ne le sont pas survivraient à l'élimination des subventions, soit parce qu'il y a un véritable marché pour leurs produits, soit parce qu'ils trouveraient un mécène privé prêt à appuyer leur art impopulaire, soit parce qu'ils s'organiseraient pour pratiquer leur art à leurs frais, après s'être trouvé un véritable emploi pour payer leur loyer.
Peut-être aussi s'en prend-on particulièrement aux artistes parce que si les porte-parole de tous ces autres secteurs économiques subventionnés utilisent les mêmes arguments économiques bidon pour défendre leurs intérêts (les fameuses «retombées économiques»), ils ne le font pas avec la même arrogance que les artistes. Ils ne descendent pas dans la rue pour crier leur mépris envers tous les ploucs qui n'adhèrent pas à leur cause. Ils ne nous écœurent pas à longueur d'année depuis des lustres avec leur suffisance de personne moralement supérieure qui ne s'abaissent pas à chercher à faire du profit et à qui l'ont doit conséquemment un revenu confortable garanti; leur appui opportuniste à des causes politiquement correctes; leur idéologie nationalo-étatiste affichée comme une preuve d'originalité et de «subversion», alors qu'il n'y a rien de plus facile et de banal que d'appuyer un système qui nous fait vivre.
Peut-être est-ce enfin pour réagir à l'unanimisme qu'on perçoit dans les médias. Les gens d'affaires sont constamment critiqués pour toutes sortes de raisons. On dénonce à tort et à travers leur «cupidité» et leur «rapacité», même lorsque c'est l'intervention de l'État qui est responsable des crises. C'est de bon ton, aucun commentateur ne se fera regarder de travers après avoir cassé du sucre sur le dos des «capitalistes sauvages». Mais critiquer les subventions à la culture? Critiquer les artistes parasites? Ça ne se fait pas. Il y a un consensus là-dessus au sein de toute l'élite médiatique. Parce que les artistes font partie du «milieu», des mêmes cliques, des mêmes réseaux sociaux que les parlotteux médiatiques. On ne frappe pas sur ses collègues et amis.