Chose certaine, il en serait pas à ses premières fréquentations douteuses...
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La franc-maçonnerie du Québec, contrairement au temps où les mises en garde de l’Église catholique gardaient la population à l’affût de ses moindres implications, prospère aujourd'hui dans une multitude de domaines, cachée derrière une réputation d’inoffensifs philanthropes ésotéristes.
De nos jours, la franc-maçonnerie est allée rejoindre les soucoupes volantes dans le domaine des mythes et légendes. La population voit la secte maçonnique comme quelque chose d’imaginaire, alimentée par les récits fantastiques (et subversifs) hollywoodiens de Dan Brown ou d’auteurs québécois de romans jeunesse à succès comme Hervé Gagnon (Vénérable Maître de la Loge Cordialité de Sherbrooke). Aborder la franc-maçonnerie et l’accuser de quelconque implication dans la sphère publique ou politique relève maintenant à tort de la théorie de la conspiration.
Pourtant, si Jean d'Erbrée dans son ouvrage « La maçonnerie canadienne-française » comptait une soixantaine de loges affiliées à la Grande Loge du Québec en 1884, nous en comptons aujourd'hui 71 pour cette même secte. À cela s’ajoute la trentaine de loges non-reconnues par la GLQ, enregistrées au Registraire des entreprises du Québec (REQ), ainsi que celles qui ne sont pas répertoriées.
En 2014, plus personne ne pointe du doigt les réalités de la franc-maçonnerie spéculative et les connaissances de la population générale sur le sujet sont extrêmement limitées. Pourtant, des dizaines de loges maçonniques sont réparties dans les régions du Québec et elles sont fréquentées par des politiciens, des hommes d’affaires et toutes sortes de personnalités publiques.
Nous n’explorerons pas le côté ésotérique de la chose, la structure de la secte (degrés) et les rituels variant d’une branche à l’autre - il est assez facile de s’y perdre. Cela n’a de toute façon rien à voir avec l’aspect sociopolitique qui nous intéresse dans cet article. Nous aborderons plutôt un exemple assez flagrant de collusion institutionnalisée au sein de la maçonnerie montréalaise, qui se trouve en fait à être un réseau social d’hommes parfois influents.
La Loge Dorchester No. 4 – Les grands esprits se rencontrent
La commission Charbonneau fait rage, l’UPAC liquide les mafieux un par un et les yachts des parrains montréalais (ou leurs restaurants) deviennent les plaques tournantes de la corruption québécoise. Du moins, celles qui paraissent aux yeux du public.
Avec les arrestations et les démissions de personnalités politiques au Québec des dernières années, le jeu du crime et de la collusion organisée commence à s’éclaircir. Beaucoup de questions restent et resteront probablement sans réponse. Toutefois, en entrouvrant les portes du Harmony Hall, lieu de réunion de la Loge Dorchester, organe de la Grande Loge du Québec dans le district Saint-Laurent, on entrevoit quelques-unes des vedettes de l’heure de la collusion, vêtues de capes et décorées de bijoux maçonniques.
La Loge Dorchester No.4 apparaissait déjà dans la liste de 1883 dressée par l’auteur Jean d'Erbrée. En 2005-2006, la rédaction du journal maçonnique de la Grande Loge du Québec, « Rough Ashlar », publiait les compte-rendus de quelques-unes de leurs cérémonies. Vous verrez, au fil des personnes citées, que les francs-maçons n’ont certainement pas le pouvoir ésotérique de prédire le futur.
Les squelettes ne sont pas vieux; en 2006, on y voyait défiler l’ancien ministre de la Santé, maintenant chef du Parti Libéral, Philippe Couillard, son ami franc-maçon Arthur Porter, récemment accusé de multiples chefs liés à la collusion, et le très bref « premier maire juif » de Montréal Michael Applebaum, fils du Vénérable Maître franc-maçon Moishe Applebaum de la Loge Dorchester.
On trouve donc, en parcourant les années antérieures du calendrier disponible sur le site officiel de la Grande Loge du Québec, quelques communiqués de la Loge Dorchester. L’invitation de Moishe Applebaum pour une cérémonie maçonnique au Masonic Memorial Temple en l’honneur du Dr. Porter (le 25 novembre 2006) et le compte-rendu de l’événement sont les documents les plus intéressants à explorer et nos protagonistes y figurent tous…
L’invitation d’Applebaum, qui expliquait que :
« La Loge Dorchester No. 4 organise cet événement maçonnique afin de rendre hommage au Dr. Porter pour sa carrière remarquable dans le domaine de la santé et à ses nobles efforts en tant que membre proéminent de notre fraternité.»
se terminait par la signature maçonnique classique:
« Fraternally Yours,
V.W. Bro. Moishe Applebaum
W.M. Dorchester Lodge No. 4, A.F. & A.M., G.R.Q. »
Le compte-rendu de l’événement, qui se résume en fait au discours bilingue qu’a donné le Grand Maître franc-maçon John A. Prosnick, dresse un portrait des participants les plus appréciés dans son introduction :
« Vénérable Maître Applebaum (Père et fils), Frère Dr. Porter (Père et fils), Monsieur le ministre Couillard, nos invités distingués, mesdames, mes frères…
Je vous souhaite la bienvenue au Temple maçonnique de la Grande Loge du Québec, de Maçons Anciens, Francs et Acceptés.
La franc-maçonnerie est la plus ancienne et la meilleure institution au monde, dédiée à la fraternité des hommes, sous la paternité du Grand Architecte de l’Univers.
Sa mission consiste à accueillir des hommes bons et à les rendre encore meilleurs. Elle est accessible aux hommes qui ont atteint la maturité, qui croient en un Être Suprême, sans distinction d’origine ou de croyance. »
Si Michael Applebaum et Arthur Porter (Couillard tient encore debout) étaient « des hommes bons » en 2006, l’histoire démontre que la franc-maçonnerie n‘a visiblement pas fait d’eux des hommes meilleurs depuis.
Des franc-maçons corrompus
Cette apparition du chef libéral Philippe Couillard lors d’une cérémonie rituelle maçonnique en 2006 démontre assez bien, qu’il soit membre de la secte ou non, le genre de fréquentations qu’il entretient. Ce n’est pas tout le monde qui se retrouve invité par le Vénérable Maître d’une loge, père de l’ex-maire Applebaum, à un rituel maçonnique occulte pour souligner l’implication maçonnique d’Arthur Porter.
Les liens de Couillard avec Porter, en dehors des loges bien sûr, avaient d’ailleurs été questionnés lors de l’arrestation du docteur, qui s’était enfui aux Bahamas (où il possède le plus grand bar de danseuses nues de la région) après une baignade dans les fonds de l’Université McGill. Leur histoire commune, dont certains moments chauds ne sont pas négligeables dans cette affaire, est marquée par la nomination de Porter en tant que PDG du CUSM en 2004, au début du mandat de Couillard au ministère de la Santé et des Services Sociaux et se continua lorsque Couillard quitta la politique pour aller enseigner à McGill. Puis il y eut, entres autres, les scandales du CUSM, l’arrestation d’Arthur Porter, la chefferie libérale de Couillard... Une suite d’événements qui sont venus assombrir le décor autour du chef de parti, sans toutefois l’associer à quoi que ce soit.
Michael Applebaum, pour sa part, avait impressionné l’UPAC par l’immensité du système organisé de corruption auquel il prenait part de 2002 à 2010, période que l’on pourrait qualifier « d’âge d’or » de la Loge Dorchester No.4. Parmi les dossiers enquêtés par l’UPAC ressurgissait encore une fois le fameux scandale de Porter et du CUSM de McGill. Applebaum, durant son court règne, avait accouché de l’Escouade de protection de l’intégrité municipale suite à une relation avec l’hypocrisie politique. Celle-ci survivait après son arrestation pour être intégrée à l’UPAC en décembre 2013.
Ce que les enquêteurs de nos nouvelles institutions de lutte engagée dans la corruption et la collusion ont soit négligé, soit censuré, ce sont les liens qu’entretenaient les politiciens, les fonctionnaires et les promoteurs montréalais, non pas sur le « Touch » de Tony Accurso, mais dans la pénombre des temples de la Grande Loge du Québec.
Pour un inventaire des loges
L’État laïc prétend aujourd'hui remplacer l’Église catholique dans son rôle de guide moral du peuple. Qu’il reprenne donc la surveillance de la franc-maçonnerie là où les papes l’avaient laissée. La politique et les affaires ne sont probablement pas les seuls secteurs touchés par la collusion maçonnique, puisque plus de 100 loges au Québec regroupent des hommes de tous les milieux. Des « frères de secte » pour qui le terme « conflit d’intérêts » ne veut rien dire.
Si, selon Jean d'Erbrée, 2840 maçons actifs dépendaient de la Grande Loge du Québec en 1883, il n’est pas trop difficile d’imaginer une explosion du nombre d’initiations à la secte depuis la Révolution tranquille et Vatican II. La franc-maçonnerie, dont la conscience populaire ne connaîtrait pas même le masque ésotérique et fantaisiste sans les productions hollywoodiennes et la littérature, est réelle, active et relativement représentée au Québec. La Loge Dorchester, que nous venons d’explorer, n’est forcément pas la seule plaque tournante de la corruption au sein de la Grande Loge du Québec et Philippe Couillard n’est certainement pas le seul politicien qui fréquente la secte.
Un gouvernement vraiment soucieux de lever le voile sur la corruption partout où elle champignonne, soucieux aussi de l’intégrité de ses fonctionnaires, devrait se pencher sur l’existence de la franc-maçonnerie. Qui est franc-maçon? Qui fréquente-t-il dans sa loge? Qu’elles sont les relations professionnelles de ces « vénérables frères » dans la vie publique? Le peuple demande de la transparence, du respect et de l’honnêteté de la part de la classe dirigeante du Québec. Si nous avons été maintes fois scandalisés par les relations corrompues qu’ont entretenues certains politiciens et hommes d’affaires avec le crime organisé, nous ne le serons pas moins de savoir que certaines loges maçonniques au Québec rassemblent des personnes faisant l'objet de graves poursuites
au criminel et politiciens pour des cérémonies occultes qui peuvent aussi bien se terminer en négociation de contrats.
Les listes des membres des loges doivent être révélées au grand public, l’état financier de la Grande Loge du Québec aussi, de même que leurs archives. L’UPAC trouverait probablement bien des surprises dans le fond de la boîte...
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