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Passe-moi un contrat 20131210

MONTRÉAL - Distribuer des enveloppes brunes et gonfler des contrats de bon cœur? C'est possible, grâce à un nouveau jeu de société, basé exclusivement sur les scandales québécois de corruption et de collusion.

Arrivé sur les tablettes des commerçants juste à temps pour Noël, le concept ne fait toutefois pas l'unanimité.

Intitulé «Passe-moi un contrat», le but du jeu est simple: mener ses adversaires en bateau, se débarrasser de son enveloppe brune et obtenir le plus de contrats possible.

Édité par la compagnie Ludik Québec, le jeu de stratégie est destiné aux personnes de 12 ans et plus et jusqu'à 50 peuvent y prendre part.

Décrit comme un jeu «hilarant» et vendu dans les grands magasins en ville, «Passe-moi un contrat» n'a toutefois pas séduit les personnes interrogées.

«Ça n'a pas d'allure, c'est à cause de gens malhonnêtes que le Québec n'a pas bonne presse à l'international, a partagé Nathalie Laplante en faisant ses emplettes de Noël. Ce n'est pas en vendant des jeux de société comme ceux-là qu'on fait avancer le débat ou qu'on redore notre image. C'est vraiment décevant.»

«Si ce devait être une blague, désolée, mais je ne ris pas», a mentionné pour sa part Julie Deguise.

Une porte-parole de l'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) a pouffé de rire lorsque notre journaliste lui a expliqué le but du jeu. «Ça n'a pas l'air bien sérieux cette affaire-là», a-t-elle dit, en riant.

L'OIQ n'a toutefois pas voulu faire de commentaires. «Vous m'apprenez l'existence du jeu, on va se renseigner avant», a dit la porte-parole.

Banaliser la corruption

L'éditeur de «Passe-moi un contrat», Ludik Québec, se défend d'avoir créé un jeu controversé. L'objectif était surtout de s'inspirer des sujets chauds de l'actualité et de banaliser la corruption.

«On a voulu faire un clin d'œil à ce qui se passait au Québec avec la corruption. C'est vraiment pour rire, pour désamorcer la situation. C'est un jeu de blagues, si on veut, a réagi Andrée-Anne C. Tétreault, porte-parole de Ludik Québec. On est étonné de voir que des gens dénoncent le jeu.»

Selon Mathieu Bock-Côté, chroniqueur et chargé de cours au Département de sociologie à l'UQAM, il ne s'agit pas là d'un scandale, mais d'un exemple de la régression éthique de notre société.

«Nous vivons dans une société où la moindre occasion d'affaires est saisie et il suffit qu'une réalité soit médiatisée pour qu'elle devienne une ''occasion d'affaires'', a-t-il déploré. Il n'y a plus d'interdits moraux, seulement des interdits légaux.»

M. Bock-Côté voit tout de même du positif avec «Passe-moi un contrat». Avec la commission Charbonneau et les scandales à n'en plus finir, il est bien de vouloir banaliser la corruption.

«Pour plusieurs, elle représente non plus d'abord une pathologie à combattre, mais une fatalité inévitable, avec laquelle il faut non seulement composer, mais dont on doit finalement rire et s'amuser, a-t-il ajouté. On peut y voir un émoussement des vertus civiques.»

http://fr.canoe.ca/noel/nouvelles/archives/2013/12/20131213-091217.html?fb_action_ids=10202371193619709&fb_action_types=og.recommends&fb_source=other_multiline&action_object_map=%5B750798684933685%5D&action_type_map=%5B%22og.recommends%22%5D&action_ref_map=%5B%5D