Très bon texte de Charles-André Marchand
Le Steak, le Pédophile et le vieillard qui «promotait»!
Il y a des légendes qui vieillissent mieux que d’autres. J’ai eu un sourire en coin lorsque j’ai appris que Gaëtan Hart, la cinquantaine presqu’achevée, disputera ce week-end, dans son coin de pays, un combat hors-concours face à mon vieil ami Deano Clavet. Ni Hart, ni Clavet n’auront été champions du monde, mais tous deux ont boxé avec cœur, avec passion et avec efforts tout au long de leurs carrières. Le premier s’est mesuré à plus d’un champion du monde dont Aaron Pryor, un des meilleurs de tous les temps. Le second est venu à quelques secondes près de battre le puîné d’une infâme famille dans un fabuleux combat de championnat canadien au Forum de Montréal.
S’il avait battu cet incorrigible voyou que tous les pourris de la mafia locale tentaient, comme pour ses frères, de nous convaincre qu’il avait l’étoffe d’un futur champion du monde, qui sait quels sommets Deano Clavet aurait pu atteindre dans les limites de son talent. Une chose me semble assurée, si ce soir-là, Clavet et Mario Cusson étaient sortis victorieux d’un des plus grands galas de boxe de l’époque, la suite des choses eut été fort différente pour tout le monde, à commencer par les baudruches irlandaises remplies d’hélium que l’on essayait de nous faire passer pour l’avenir de la boxe montréalaise, québécoise, canadienne, mondiale et même intersidérale! Dire que celui qui était supposément le plus talentueux des cinq se sera fait fracturer la mâchoire par un policier de Pittsburgh qui boxait cinq ou six fois par semaine pour arrondir ses fins de mois. Un gars qui avait deux fois plus de défaites que de victoires au compteur.
Je me souviens du brocanteur à l’accent français qui servait de promoteur à la solde du clan Cotroni, et qui avait insisté pour nous vendre cet adversaire en nous servant une fiche victorieuse bidon. Quelques appels chez Ralph Citro, le spécialiste de l’époque qui compilait les véritables fiches des boxeurs avec une minutie de moine, m’avait permis d’apprendre que le dit boxeur avait enregistré une cinquantaine de victoires et plus d’une centaine de défaites dans cette carrière qu’il menait en parallèle à celle de représentant de l’ordre dans la ville de l’Acier. Un scoop qui m’avait même valu les remontrances du Parrain de l’époque, un gnome aussi hideux qu’adipeux, qui, en me croisant dans les couloirs du Forum, m’avait simplement dit : « J’entends trop parler de vous. » Bouh! Il essayait de me faire peur en me jetant un regard qui se voulait méchant du haut de ses 5 pieds.
Il y a des légendes artificielles qui non seulement vieillissent mal mais dont on se passerait volontiers me semble-t-il. Je pense bien sûr à ce pédophile non-repentant qui, à 49 ans, vient une fois de plus de croire bon se reproduire. Non content d’avoir été un père indigne, un abuseur de ses deux filles pendant des années, mais voilà que ce champion déchu a trouvé une nouvelle cruche pour y déposer sa semence et peut-être bénéficier d’une nouvelle victime malheureuse d’ici quelques années. C’est un fait divers me direz-vous et vous avez entièrement raison. Nul n’a besoin d’obtenir un permis pour mettre au monde des enfants, même dans les pires conditions humainement possibles. Les animaux, même les bâtards les plus handicapés, se reproduisent aussi sans vergogne. C’est la nature qui est ainsi faite. Ce n’est pas toujours joli la nature.
Ne venez toutefois pas me parler de dette payée à la société. Ne venez pas me dire que cet homme a droit à une deuxième chance. Sa deuxième chance, c’est d’être en liberté, d’avoir pu s’accoupler à nouveau malgré ses antécédents. Il peut aussi se trouver un emploi. Ça s’arrête-là. Il n’a plus le droit de se prétendre boxeur, de vouloir être applaudi, acclamé et adulé comme jadis. Je n’ai plus aucun intérêt pour sa carrière. Je n’ai plus envie de le voir à la une des journaux ou à la télé. Je me fous éperdument de ce qu’il a maintenant à dire. C’est un pédophile incestueux, batteur de femmes et d’enfants. Je n’ai aucune envie d’être magnanime devant de pareils déchets de l’espèce humaine. Les pédophiles sont d’impénitents prédateurs et celui-là ne fait certainement pas exception.
Je ne comprends pas pourquoi une certaine presse s’y intéresse au point de lui accorder le droit de continuer de prétendre à une innocence que ne lui ont pas reconnu les tribunaux, alimentant ainsi le doute chez certains de ces inconditionnels fans, les mêmes qui lui quêtaient des autographes pendant son procès dans les corridors du Palais de Justice. En plus de trente ans de carrière, j’ai rarement vu de scènes plus indécentes que celles-là. Je comprends encore moins l’intérêt de savoir que ses filles lui ont pardonné d’avoir fait d’elles des jouets sexuels pendant leur enfance et leur adolescence. Vous m’excuserez d’être trop sensible, mais j’ai trouvé honteux d’imaginer que quelqu’un qui prétend exercer la profession de journaliste ait trouvé pertinent de se rendre dans une famille aussi dysfonctionnelle que celle-là pour sonder l’opinion de deux pauvres victimes d’un père incestueux, alcoolique et violent.
J’ai trouvé encore plus dérangeant, surtout à la lumière de cet incompréhensible pardon, que l’on s’en serve à la une pour doper le tirage d’un tabloïd dont la crédibilité n’en finit plus de chuter. Une fois de plus le voyeurisme sanguinaire d’une certaine population aura été assouvi par des gens dont l’éthique journalistique est le moindre de leur souci. Ça ne m’empêche pas d’en être choqué et de ne pas comprendre que personne n’ait levé la main pour s’objecter à pareil jaunisme. Je comprends encore moins l’intérêt de redonner la parole à un promoteur du siècle dernier, ancien pantin du crime organisé, qui espère encore relancer la carrière du boxeur pédophile qui n’intéresse, tant qu’à moi, qu’une poignée de demeurés ou d’individus aux valeurs morales totalement atrophiées.
J’ai connu, à mes débuts comme journaliste sportif, cet univers glauque qu’était la boxe locale dont s’ennuie tant ce promoteur autodidacte dont la plus grande force, à une époque aujourd’hui révolue, était de connaître son public. Le fait d’être financé par des criminels véreux pour qui la boxe n’était qu’un paravent utile et lucratif, ne nuisait pas non plus. Ce vieillard déchu qui aimait tant ça « promoter » est devenu un personnage folklorique qui n’a plus aucune crédibilité. Laissons-le vieillir en paix dans son déli préféré sans l’exposer au ridicule en lui demandant son avis. Ce serait la moindre des choses. Je n’ai aucune nostalgie pour ce que fut la boxe locale sous le joug de la mafia.
Rien à voir avec la grande classe de Jean Bédard et Lucien Bute, ni même les coups de gueule d’Yvon Michel ou Jean Pascal. Si la boxe au Québec doit mourir avec Interbox et Gym tel que le prédisent certains dinosaures, ce sera une mort beaucoup plus honorable que tout ce qu’auraient pu imaginer leurs prédécesseurs.
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