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NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2006

 
Pour Vincent Guzzo, le marché est un champ de bataille

 
Pour Vincent Guzzo, l’entrepreneur est un chevalier des temps modernes. Il a troqué son armure contre un complet cravate. Il ne se bat plus pour des territoires, mais pour des parts de marché. Et s’il écrase son ennemi, c’est qu’il est né pour ça. Le patron des cinémas Guzzo sait qu’il peut être décapant. Et il s’assume.

 
Vincent Guzzo a tout fait : balayé, nettoyé les toilettes, vendu du pop corn, déchiré les billets, opéré le projecteur… Aujourd’hui, ce fils unique d’un couple d’Italiens sans le sou, émigrés de Salerne, une petite ville au sud de Naples, occupe le poste de vice-président d’une entreprise de 550 employés. Cinémas Guzzo compte 12 complexes de 151 écrans et dégage un chiffre d’affaires de près de 50 M$. L’entreprise connaît une croissance entre 5 et 10% plus forte que celle de son industrie.

Vincent Guzzo possède 49% des actions de l’entreprise avec sa mère Rosetta. L’actionnaire majoritaire et président étant papa Angelo, un ex-machiniste de Pratt & Whitney. Mis au chômage à la suite d’une vague de licenciements, en 1974, Guzzo père achète, pour une bouchée de pain, le cinéma Capri (aujourd’hui le Paradis), situé dans Hochelaga-Maisonneuve. D’une salle de troisième ordre, il en a fait un empire du divertissement. Au nez et à la barbe des multinationales qui dominent outrageusement une industrie citée en exemple par les professeurs d’économie, lorsqu’ils devisent sur le concept d’intégration verticale.

Reconnu pour ses coups de gueule, le fils Guzzo a déjà ameuté les journalistes pour dénoncer ce qu’il qualifiait de collusion entre les grands distributeurs américains de films et les deux principales chaînes de cinémas, Famous Players et Cineplex Odeon. Du jour au lendemain, cette obscure petite compagnie que personne ne connaissait à Hollywood fit la une des journaux parce que, selon Vincent Guzzo, les conglomérats s’étaient donné le mot pour boycotter la jeune chaîne. Il fallait faire plaisir à des clients qui entendaient faire payer cher les ambitions des Guzzo de leur faire la concurrence dans leur meilleur marché : la banlieue et ses hordes d’ados branchés sur les films de gros bras et le maïs soufflé format maxi.

L’affaire s’est réglée derrière des portes closes. Depuis, Famous et Cinéplex ont fusionné. Et Cinémas Guzzo a ajouté deux ou trois complexes à son empire, dont celui du Marché Central, un des cinémas les plus achalandés au pays. Les Guzzo ont investi 18 M$ dans cet immeuble de 120 000 pieds carrés, comptant 18 salles et un stationnement souterrain de 4500 places.

Les Guzzo, qui ont quitté la Petite-Italie de Montréal pour s’établir dans la très francophone Terrebonne, appuient leur succès non pas uniquement sur l’audace et le sens du risque, comme certains le croient, mais sur des valeurs familiales archi-traditionnelles.

Comme dans un film de Scorsese

« Vu de l’extérieur, c’est vrai que nous avions l’air de gens complètement cinglés. Car nous affrontons des géants directement dans leur marché. Mais nous le connaissons parfaitement, ce marché », explique le fils Guzzo, avec un accent italo-québécois typique.

En fait, une entrevue avec Vincent Guzzo ressemble à une scène d’un film de Scorsese. On croirait Joe Pesci décliner un one liner typique du film Goodfellas. Son bureau est décoré d’un invraisemblable capharnaüm, où se mêlent serveurs internet, œuvres d’art, reproductions en miniature de bolides Ferrari, ainsi qu’une grande collection de babioles à l’effigie de la Scuderia. Même l’écran plat de son ordinateur, rouge pompier typique, est signé du célèbre logo en forme de cheval. L’homme trône au centre d’affiches, de stylos par centaines, et de laminés d’articles de journaux consacrant la gloire de l’entreprise familiale.

« Tu me demandes si c’est difficile de diriger l’entreprise avec mon père? Bien sûr que c’est difficile! On est une famille d’Italiens… »

« Mais, en même temps, notre relation est basée sur le respect. J’ai toujours été dans l’entreprise. J’ai grandi dedans! Pendant que certains parents se débarrassent de leurs enfants en les envoyant devant la télévision, les miens me faisaient servir du pop corn. Et ils parlaient business à la table familiale. Ils ne m’ont jamais rien caché. À 10 ans, je connaissais tous les secrets de l’entreprise. »

« Il y a beaucoup de préjugés à propos des Italiens. Mais c’est vrai que nous sommes élevés à respecter nos parents. C’est quand même grâce à eux que nous sommes ici, non? Et puis, ce fut plus facile d’accéder à mon poste actuel de v.-p. que de partir de zéro. »

Plus facile? Vincent Guzzo s’explique : « Maman me dit souvent que papa, il est comme Mussolini. Tu ne t’obstines pas contre lui. Mais dans les familles italiennes, le repas du dimanche soir, c’est comme une religion. On y discute de tout. Les échanges sont parfois corsés, mais les parents écoutent les opinions de leurs enfants. Et, ensuite seulement, ils prennent leurs décisions. Souvent, l’opinion des enfants pèse lourd. »

Il explique que la direction bicéphale n’est absolument pas un problème : « Mon père s’est toujours occupé de la construction et du design des cinémas. Moi, c’est le marketing et les finances. On prend toutes les décisions ensemble. »

Aujourd’hui, le père s’occupe de la stratégie à long terme. Le fils chapeaute les opérations. Et on devine que son style s’apparente à celui d’une main de fer dans un gant de velours. Pourtant, personne ne s’en plaint. Certains employés ont grandi avec Vincent Guzzo et travaillent depuis 25 ans pour cette compagnie.

Force et unité dans le clan

Interrogé sur un autre cliché, celui de la mama italienne, Vincent Guzzo parle de la sienne avec fierté. « Elle a toujours travaillé avec mon père. Pendant qu’il a ouvert son deuxième cinéma, puis un troisième, elle a opéré seule le Paradis pendant des années. Elle n’avait aucun diplôme pour gérer une entreprise ou son personnel. Mais c’était le cinéma le mieux administré de la chaîne en ce qui a trait à la satisfaction des employés! »

« Les mères donnent de la force et de l’unité aux familles italiennes. Ce sont elles les gardiennes de la culture. Quand les pères partent travailler, elles transmettent les valeurs aux enfants. C’est un actif redoutable et pas banal. »

Vincent Guzzo affirme que ce sont ces valeurs qui expliquent le succès familial. Des valeurs basées sur le travail acharné. « Travailler avec nos parents crée un clan, une dynastie. C’est important que les enfants fréquentent les meilleures écoles si tu en as les moyens. Mais, après, il est impératif qu’ils viennent travailler au cinéma. La compagnie a beaucoup donné à la famille. Chacun de ses membres doit contribuer en retour pour bénéficier de cette richesse. »

Pour un Italien, rappelle-t-il, c’est très mal vu qu’un enfant manifeste de l’ingratitude envers ses parents.

Se battre pour gagner

« Moi, c’est clair que mes valeurs viennent de ma mère, reprend le fils. Aujourd’hui, on laisse trop de responsabilités à l’école. Or, on dirait qu’on y fabrique une culture de loser. »

Il considère que les modèles actuels du système scolaire risquent d’engendrer une génération de mésadaptés sociaux. « Ces valeurs sont contre nature. Il faut foncer dans la vie. Moi, je n’ai aucun respect pour mes compétiteurs. Je vais tout faire pour qu’ils crèvent! »

Vincent Guzzo considère que notre société est par moments marquée d’une ahurissante insouciance. Que nous n’avons pas cette culture du travail qui permet l’éclosion de véritables succès collectifs. « On voit le travail d’un point de vue négatif. Moi, je joue au golf avec mes banquiers. Je vais au restaurant avec mes fournisseurs de L.A. Je travaille tout le temps. Je fais des deals. Je règle des problèmes. Je rêve même d’avoir un camion modifié en bureau, qui m’accompagnerait durant mes vacances! Mes seuls moments de véritables loisirs, c’est quand je m’amuse avec mes enfants. Et encore, je les emmène skier dans les stations où il y a des promotions Guzzo. Pour qu’ils comprennent que, s’ils s’amusent, c’est grâce à notre compagnie. »

Selon Vincent Guzzo, à part l’amour, la seule chose que les parents peuvent transmettre à leurs enfants, c’est cette culture du travail et du dépassement de soi. Il dit respecter les faibles, les gens malades, les personnes âgées, les enfants. « Mais pas le gars de 33 ans qui joue à la victime. »

« Nous avons une philosophie d’affaires qui peut sembler étrange pour certains, reprend-il. Alors que des compétiteurs laissent entrer gratuitement leurs clients handicapés, chez nous, ils paient leur billet. Certains s’en plaignent. Je leur réponds que quand je visite le Vatican, je paie. Même si Jésus Christ vient voir un film chez Guzzo, il va payer!

C’est vrai que certains sont désavantagés dans la vie. Mais ils ne doivent pas devenir un fardeau pour la collectivité. Pousse, mais pousse égal, disait Symphorien. On offre donc un prix réduit aux clients handicapés. Mais pas la gratuité. »

Il y en aura pas de facile

« On a collectivement perdu le sens du sacrifice. Je sais de quoi je parle. Je suis le fils d’immigrants italiens pauvres qui se sont taillé une place à force d’acharnement. J’ai vu mes parents souffrir. Mes enfants et mes petits-enfants ne pourront pas se retirer avec l’argent de la famille. Ils devront gagner leur fortune. »

Vincent Guzzo ne s’en cache pas : il se considère comme un vrai capitaliste. On croit entendre le personnage de Gordon Gekko, dans le film Wall Street, affirmer que « Greed is good! »

« Pourquoi les gens connaissent la réussite en affaires? Pour bâtir un monde meilleur? Pour la gloire? Bullshit! Ils veulent faire du fric. Beaucoup de fric. La gloire vient après. Le gars qui invente l’électricité ou un nouveau médicament, il pense à sa poche, bien avant les bienfaits que son invention apporterait à l’humanité. Et tout ça vient de la volonté de vaincre. L’être humain est bâti sur la compétition. Cette compétition est saine quand il n’y a pas de tricherie. Et elle commence dès les premiers instants de la vie, dans l’utérus, lorsqu’un spermatozoïde se bat contre des millions d’autres pour féconder l’ovule. »

Il reconnaît que le succès en affaires ne s’accomplit pas sans générosité. Qu’une entreprise doit contribuer au bien-être de la communauté qui l’a soutenue, l’a vue grandir et prospérer. « Quand le viaduc de l’autoroute 19 est tombé, on a été parmi les premiers à offrir nos stationnements pour que les gens puissent prendre les transports en commun vers Montréal. On n’a rien demandé en retour. Les gens comprennent que, derrière la marque de commerce Guzzo, il y a des êtres humains. »

Il brandit néanmoins un étendard accroché à un de ses murs, sur lesquels sont inscrites quatre initiales. Un aide-mémoire limpide, puisque ces lettres indiquent qu’il faut essentiellement se battre avec courage… mais aussi avec cruauté!

Quand il visite les cinémas de ses compétiteurs, Vincent Guzzo confie qu’il pénètre alors dans le ventre du dragon. « Comme dans Star Wars, je suis le Jedi qui se bat contre l’Empire. Mais j’ai la Force. Eux, ils ont le Mal. »

Vincent Guzzo considère les gens d’affaires comme des guerriers des temps modernes. Ils ont troqué leurs armes contre des stratégies. Et ils ne conquièrent plus des territoires, mais des parts de marché. Le contexte a changé, mais le jeu reste le même : celui d’écraser ou d’être écrasé!

Petit détail : Vincent Guzzo est chevalier de l’Ordre de Malte. Tout comme Paul Desmarais. Cet ordre millénaire, duquel origine l’ambulance Saint-Jean, a participé aux Croisades…

Stéphane Desjardins

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Mes seuls moments de véritables loisirs, c’est quand je m’amuse avec mes enfants. Et encore, je les emmène skier dans les stations où il y a des promotions Guzzo. Pour qu’ils comprennent que, s’ils s’amusent, c’est grâce à notre compagnie. ».

un camion modifié en bureau, qui m’accompagnerait durant mes vacances!
Moi, je n’ai aucun respect pour mes compétiteurs. Je vais tout faire pour qu’ils crèvent! »

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Alors que des compétiteurs laissent entrer gratuitement leurs clients handicapés, chez nous, ils paient leur billet. Certains s’en plaignent. Je leur réponds que quand je visite le Vatican, je paie. Même si Jésus Christ vient voir un film chez Guzzo, il va payer!

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Tres bon article
Merci

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